Économie
Élasticité-prix : mesurer la sensibilité du marché
27 juin 2025

Pourquoi certains produits, semblent-t-ils toujours se vendre malgré une hausse de prix ? Pourquoi une promotion sur un article peut-il stimuler ses ventes ? Le phénomène peut être expliqué en grande partie à l’aide d’un concept économique simple mais néanmoins important surtout pour les entreprises : l’élasticité. Elle mesure la sensibilité des acheteurs ou des vendeurs aux variations de prix. Dans cet article, nous explorons comment et pourquoi cette notion influence toutes les décisions de prix, des entreprises comme des politiques publiques.
Qu’est-ce que l’élasticité du prix ?
L’élasticité mesure la sensibilité de la demande (ou de l’offre) à une variation de prix, c’est-à-dire dans quelle proportion la demande (ou l’offre) d’un bien ou d’un service réagit à une hausse ou une baisse de son prix. Elle renseigne ainsi sur le degré de réactivité des agents économiques face à un changement de prix.
Elle peut s’avérer particulièrement utile, notamment, lorsqu’une entreprise souhaite affiner sa stratégie tarifaire en estimant à quel point ses clients sont sensibles au prix ou bien lorsque les États veulent anticiper les effets d’une politique fiscale, par exemple en évaluant l’impact d’une taxe sur la consommation.
On dit alors de la demande qu’elle est :
Élastique : si une légère hausse de prix entraîne une forte baisse des ventes (ex. : biens substituables ou non essentiels)
Inélastique : si au contraire la demande varie peu, même en cas de forte hausse de prix (ex. : médicaments, carburant, ou dépenses contraintes)
Comment se calcule-t-elle ?
L’élasticité-prix se définit comme le rapport entre le taux de variation de la demande d'un bien et le taux de variation du prix de ce bien. On la calcule alors ainsi :
Élasticité-prix = Taux de variation de la demande / Taux de variation du prix
Le résultat est généralement négatif, car une hausse de prix tend à faire baisser la demande — et inversement, ce qui parait logique. On interprète surtout la valeur absolue de ce chiffre pour en estimer l’intensité.
Exemple :
Imaginons une compagnie de transports qui décide d’augmenter le prix de ses billets de train de 5 %. À la suite de cette hausse, le nombre de voyageurs diminue de 4 %.
Pour calculer l’élasticité-prix de la demande, on applique la formule suivante :
Taux de variation de la demande / Taux de variation du prix
→ –4 % / +5 % = –0,8
Par convention, on retient la valeur absolue : l’élasticité est dite de 0,8.
Cela signifie que la demande est relativement sensible au prix, mais pas de manière excessive : on parle d’une demande modérément élastique.
On distingue donc trois cas :
L’élasticité est proche de zéro : cela veut dire que la demande reste stable, quel que soit le prix. C’est le cas de certains biens vitaux ou incompressibles (logement, électricité, assurances). Même si les prix augmentent, les acheteurs n’ont pas la possibilité de réduire leur consommation : la demande reste donc inchangée.
L’élasticité est élevée (en valeur absolue) : cela signifie qu’une variation de prix entraîne un changement marqué dans la quantité demandée (ex. : habillement, loisirs). Les consommateurs ajustent leur comportement en réduisant leurs achats : la demande diminue en réponse à la hausse des prix.
L’élasticité est positive (rare) : À l’inverse, pour certains biens de luxe, une baisse de prix peut nuire à leur image et décourager l’achat : dans ce cas, la demande peut augmenter avec le prix, portée par un effet de distinction ou de prestige.

Les principaux facteurs déterminant l’élasticité de la demande
L’élasticité ne dépend pas uniquement du type de bien étudié. En effet, plusieurs éléments contextuels ou structurels peuvent influencer la manière dont les consommateurs réagissent à une variation de prix. Nous donnons ici les principaux :
Existence de produits substituables
Plus un bien ou un service est facilement remplaçable par une alternative proche, plus sa demande est sensible aux variations de prix. Car si le prix de ce bien augmente, les consommateurs peuvent aisément se tourner vers un produit de substitution.
Par exemple, si le prix du beurre augmente, certains ménages opteront naturellement pour la margarine ou tout autre corps gras moins cher.
Caractère essentiel ou non du bien
Les biens jugés comme indispensables (ex. : électricité, médicaments, eau potable…) ont généralement une demande plus rigide, c’est-à-dire peu élastique. À l’inverse, les biens de confort ou de loisir sont plus facilement évitables : leur demande diminue rapidement en cas de hausse de prix.
L’horizon temporel
La réaction des consommateurs n’est pas toujours immédiate. Une hausse des prix peut avoir peu d’effet à court terme, mais de grands impacts sur le long terme car les comportements des consommateurs évoluent.
Par exemple, une hausse soudaine du prix du carburant ne change pas les habitudes de déplacement du jour au lendemain. En revanche une hausse persistante peut inciter certains ménages à changer de véhicule, utiliser les transports en commun voire repenser leurs trajets.
Le niveau de revenu des consommateurs
Les contraintes budgétaires influencent directement la capacité des ménages à absorber une hausse de prix. Logiquement, les ménages dont les revenus sont les plus modestes sont plus sensibles aux variations de prix.
Par exemple, si les tarifs des restaurants augmentent, un couple avec un budget serré réduira probablement la fréquence de ses sorties. À l’inverse, un ménage plus aisé pourra absorber la hausse sans modifier son comportement.
Le prix initial du bien
La sensibilité au prix dépend aussi de la valeur initiale du bien en question. Il est évident qu’une variation de 10 % sur un article bon marché, comme une tablette de chocolat par exemple, peut passer inaperçue. Au contraire, la même variation sur un bien plus coûteux (voiture, électroménager, etc.) aura un impact beaucoup plus visible sur le comportement d’achat.
Différents types d’élasticité ?
Le concept d’élasticité s’applique à différents paramètres économiques (et trouve d’ailleurs son application dans d’autres domaines que l’économie) :
L’élasticité-prix directe mesure l’impact du prix d’un bien sur sa propre demande. C’est le type d’élasticité le plus utilisé. (voir exemple ci-dessus).
L’élasticité croisée mesure la réaction de la demande d’un bien A à la variation du prix d’un bien B. Elle permet d’identifier les relations entre produits lorsqu’elle est :
Positive : les biens A et B sont dits substituables (ex. : beurre et margarine).
Négative : les biens A et B sont dits complémentaires (ex. : essence et voiture).
Nulle : les biens A et B sont dits indépendants.
L’élasticité-revenu mesure quant à elle la sensibilité de la demande d’un bien à une variation du revenu des consommateurs. Cette fois, ce n’est plus le prix du bien qui change, mais le niveau de revenu des acheteurs. On la calcule donc ainsi :
Élasticité-revenu = Taux de variation de la demande / Taux de variation du revenu
Exemple :
Imaginons qu’en une année, le revenu moyen des ménages augmente de 4 %, et que dans le même temps, les ventes d’un service de streaming musical augmentent de 2 %. On obtient alors une élasticité-revenu de :
→ 2 % / 4 % = 0,5
Cela signifie que la demande est relativement inélastique au revenu : même si les consommateurs gagnent plus, leur appétit pour ce service n’augmente que modérément.
L’élasticité-revenu peut alors aider à classer les biens selon la manière dont la consommation évolue avec le niveau de vie des consommateurs :
Les biens inférieurs (élasticité négative) dont la consommation diminue lorsque le revenu augmente et qui sont souvent remplacés par des produits de substitution (ex. : aliments de base bon marché).
Les biens normaux (élasticité positive et inférieure à 1) dont la consommation progresse en même temps que le revenu, mais de manière modérée. Ce sont en général les biens usuels du quotidien.
Les biens supérieurs (élasticité positive et supérieure à 1) dont la demande augmente plus vite que le revenu. Ce sont souvent des biens à forte composante statutaire ou de confort (ex. : voyages, équipements haut de gamme, etc.).
En conclusion, l’élasticité est au-delà du concept théorique un outil d’analyse indispensable pour les entreprises, les économistes et les décideurs publics. Elle permet d’éclairer la politique de prix, d’anticiper les réactions des consommateurs dans une certaine mesure, mais aussi d’évaluer l’efficacité de certaines politiques (comme une taxe ou une subvention).
Pour une entreprise, connaître l’élasticité de ses produits, c’est effectivement comprendre où se situe sa marge de manœuvre : peut-elle augmenter ses prix sans risquer perdre trop de clients ? Ou doit-elle au contraire jouer sur les volumes ? Pour l’État, c’est une manière d’estimer l’impact social ou budgétaire d’une mesure.
En somme, l’élasticité met en lumière un élément fondamental de l’économie : la souplesse des comportements face à certaines incitations. C’est un concept important à avoir à l’esprit avant de modifier une politique tarifaire.
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